Un philosophe dans l'agora.

L'agora était aussi le lieu où se regroupait les philosophes. Théocrite avait toujours aimé se mêler à la foule, pour se sentir moins seul.

Il piquait une pomme par là, croquait un jambon par ici. Certains marchands ne l'appréciaient que moyennement. Mais ses "coups de gueule" avaient tôt fait de faire taire ceux qui osaient lever un peu le ton.

Il déambula un long moment et avait fait le tour de l'agora pour la troisième fois. Eméché, il commençait à mettre son nez un peu partout, y compris là où il ne fallait pas.

En cette belle journée ensoleillée, Eliath avait décider de faire un tour sur l'Agora pour s'acheter de quoi manger.
Alors qu'il déambulait le long des étalages de fruits, de légumes et de boissons, il vit au loin un visage qui lui était familier.
Il s'en approcha discrétement jusqu'à se positionner à coté de lui. Il s'aperçut très vite que le marchand et l'homme avait une discussion plutot.....enflammer.
Le marchand lui crier:
-Mais ça va pas la tete, pour qui vous prenez vous pour dire que mon vin a le même gout que l'urine de cheval !!!

Eliath ne put s'empecher de sourire, cet homme paraissait vraiment gonflé.

Théocrite avait sa petite réputation chez les marchands..

- Bien sur que c'est de la pisse, j'ai très envie de le crier sur tous les toits de la ville. C'est quand même fou de réussir à faire quelque chose d'aussi immonde avec de bons produits!

Donnez moi une flasque, je le ferais gouter par delà la ville, ça vous fera les pieds.

- Et puis quoi encore? Vous payez mon vieux!

- Payer pour ça? Tu plaisantes, marchand? Très bien, tu t'entêtes!

Théocrite se retourna face à la foule et se mit à crier en bon orateur:

- Mes chers amis, je me demande bien comment du raisin, on peut passer au purin. Je ne sais pas quel vigneron arrive à accomplir ce prodige et...

- C'est bon, c'est bon, prends ta flasque et dégage de ma vue, alcoolique!

- Trop aimable! fit Théocrite en s'inclinant.

Eliath ne put retenir un fou rire, de plus ce marchand de vin avait une sale réputation d'escroc à travers la ville. Cette intervention du philosophe fut tellement improbable, qu'il ressentit une grande sympathie pour ce personnage hors du commun.
Il s'approcha de lui, après le retour au calme de l'échauffourée avec le marchand et lui tapa dans le dos, avec un léger sourire.

- Bien le bonjour messire, je n'ai pu m'empécher de suivre votre discours et je dois dire que c'était bien drole.

- Bonjour à vous, l'ami.

La foule les ignorait maintenant, il pouvait parler tranquille.

- Ce vin est vraiment mauvais, vous voulez juger par vous-même? Si je ne m'abuse, Dyonisos n'en serait pas très fier...

Eliath prit alors le verre que lui tender le philosophe et but une gorgée. Il émit une grimace de dégout et le reposa sur l'étal non sans un regard mauvais au vendeur.

- Pfouah!!! Quelle saleté !

- Oh excusez- moi je m'appelle Eliath et je suis général de l'armée fantassine d'Athènes!

Il regarda le marchand de vin s'en aller derrière sa boutique, et commençait à ranger son étal, prit d'une colère noire face à l'énormité des dires des deux hommes.

- Tiens donc, un militaire. C'est bien payé?

Je m'appelle Théocrite, il est agréable de voir qu'un soldat ne m'arrêtes pour trouble de l'ordre public, ca me change mes vieilles habitudes.

Il s'approcha d'une plante qui pousait non loin.

- Je suis sur qu'on peut tuer cette plante rien qu'avec ce picrate. Je ne suis pas fan de supprimer des vies, m'enfin, c'est pour la science.

Eliath ne put s'empécher de constater que cet homme était vraiment étrange, mais pas dans le sens inquiétant, bien au contraire.

- Euh...bien payer, bah.... on va dire que je vis tranquillement oui ! , le général semblait troubler par cette question inattendue.

- Et vous, vous faites quoi dans la vie ou du moins de vos journées?, il regarda Théocrite avec intéret.

- Ca ne se voit pas?

Je suis un disciple d'un philosophe. Il fut un temps où je faisais place nette dans les cercles de philosophes athéniens. Et puis, j'ai voyagé par delà la mer et quand je suis revenu, je les ai laissé tomber. Ils parlent pendant des heures pour ne rien dire. L"histoire ne se souviendra pas d'un philosophe comme moi, et tant mieux!

Il sourit et regarda la plante. Il jeta l'outre non loin de là et s'essuya les mains dans sa toge en reniflant.

A vrai dire, Eliath s'en doutait un peu, en effet l'aisance avec laquelle il avait parler à la foule il y a quelque instant témoignait bien d'un pasé orateur.

- Vous avez dû beaucoup voyager je suppose!

Il invita alors Théocrite à s'asseoir sur un banc en bois exotique sous une des arches de l'Agora.

- Etes-vous déjà aller en Perse?

- Bien sur! J'y ai appris l'astronomie et l'arythmétique.

Je suis allé en Egypte aussi. Ce sont vraiment des contrées magnifiques, surtout que j'arrivais toujours à rentrer dans les cours des châteaux.

Il passa sa main dans ses cheveux.

- Mais j'ai quand même décidé de finir mes jours à Athènes. Les temps sont durs, j'ai du me refaire un nom aurprès des marchands et des taverniers pour survivre.

Il tapa avec force dans le dos d'Eliath.

- Mais de toute manière! Je pourrais très certainement trouver le couvert chez vous, n'est ce pas?! Hahaha! Il m'arrive de passer par la salle des gardes ou de faire la ronde avec le garde en faction pour lui prendre un peu de vin. Je profite de sa solitude, mais bon..

Eliath écoutait le philosophe avec grande attention, il adorait les récits de voyage! Cependant ce fut un peu court et il écarquilla les yeux à la demande du repas dans sa demeure.

- Euh.. oui bien sûr si vous voulez, vous pouvez venir ce soir si vous n'avez rien à faire!

Eliath frotta son pied droit contre son mollet, il ne savait que dire. Après tout il ne connaissait pas cette personne, si ce n'est que de renommée.
Et puis après tout cela ne pouvait que lui faire du bien de l'inviter, Théocrite allait certainement lui apprendre des tonnes de chose!

Eliath le regarda et baissa la tête d'un air malheureux.

- Non je n'ai pas de femme ! , puis il se redressa et rigola.

- J'habite très précisement dans le quartier de la fontaine Est.

Il sourit à Théocrite avant d'ajouter:

- Et vous, où habitez-vous vraiment?

Sur cette révélation fort étonnante, Eliath pensa soudain à son futur.

* Mon dieu, s'il vient chez moi il va tout bouffer et en plus il y restera pour dormir un jour, puis une semaine, puis des mois, puis des années entières , puis.......*

Il secoua la tête pour évacuer cette pensée désagréable à admettre.

* Il va vivre toute ta vie avec toi si tu l'emmènes dîner dans ta maison ! Il va manger avec toi, il va se laver avec toi, il va dormir avec toi , il va.... *

Eliath n'arrivait pas à enlever cette fichue idée qui ébranler son esprit.

- Euh... écoutez Théocrite, ça vous gênerez pas que l'on dîne à une terrasse ce soir plutôt ? Car je pense avoir malheureusement perdu mes clefs de maison!

- Vous mentez aussi bien que la plupart de ces marchands, mon vieux.

Tant pis, j'irais ailleurs, salut!

Il se leva et s'éloigna, le pas un peu titubant.

Eliath un peu génê, regarda le philosophe s'en alla, puis le rejoint en courant.

- Eh ! Ne vous en allez pas comme ça ! Cela ne vous va pas de venir dîner sur une bonne terrasse!

Il se plaça face à Théocrite et soutint son regard.

- J'ai envie d'écouter vos récits de voyage et tout ce qui concerne votre vie, vous comprenez, vous êtes quelqu'un de fascinant!

En effet Eliath se sentait un peu seul dans sa vie, pas de femme, pas d'enfants et surtout...pas d'esclaves! Théocrite était malgré tout un homme fort sympathique et le général voulait vraiment en apprendre plus sur ce personnage haut en couleur!

- Je ne remets pas en doute votre curiosité, mon jeune ami, fit-il tout en marchant.

Et votre naïveté non plus. Mais rassurez vous, je n'irais pas chanter sur tous les toits vos déviances sexuelles.

Il ricana et continua sa route en sifflotant.

Décidement, ce philosophe était un dur à cuire! Face à son ironie sans pair, Eliath se rapprocha de lui.

- Excusez-moi mais les piques assiettes c'est pas mon genre d'invité, je préférerai qu'on me fasse bruler chez Hadès putôt que vous viviez chez moi.

Sur ce, le général regardait Théocrite avec un mélange de curiosité et de colère.

- Vous feriez mieux de louer vos services d'homme intelligent dans une bonne cause plutôt que de passer vos journées à vous balader!

- Allons, allons, il n'y a pas de mal à aimer les hommes, regardez, les femmes le font bien, elles.

Bon, j'admets, pour un officier de l'infanterie...

Il se recoiffa.

- Ce n'est le genre d'invité de personne, et pourtant, la plupart cède.

Enfin, dans tous les cas, vous n'avez pas l'air d'inviter grand monde, dit-il d'un ton de sincère regret.

Il ricana en se grattant négligemment le ventre.

- Moi qui cherchait un repas, on me refuse un logis que je n'ai pas demandé, c'est quand même fou.

Il reprit sa marche, esquivant Eliath.

- Vous avez une bonne cause à me proposer? Vous voulez surement parler de soutenir un roi ou d'être un ministre quelconque.

Désolé, mon vieux, je préfère de loin la rue. C'est là que sont les injustices...

Cet homme était visiblement le plus tétu et coriace que Eliath n'ait jamais rencontrer! Il avait beau le titiller de répliques déplaisantes, il en rajoutait encore plus. Pas étonnant que les marchands avaient peurs de lui!
Voyant le vieil homme s'éloignait, il courut à sa suite et se plaqua en face de lui, une mine visiblement moins renfrogné.

- Ecoutez ce n'est pas mon but que l'on se battent comme de vulgaires coqs de basse-cour! C'est pourquoi je vous invite finalement à venir diner chez moi ce soir!J'ai une servante fort douée pour les bons repas.

Il sourit à Théocrite, voyant qu'il lui avait encore une fois mentis quant à l'existence d'une servante sous son toit.

- Oh...

Vous avez une servante, c'est finalement bien payé comme métier. Je préfère ça à une esclave, je dois dire.

Et puis, coq, parlez pour vous, j'ai passé l'âge de comparer ma taille de phallus avec ceux des autres.

Il s'esclaffa.

- Bon, qu'est ce que l'on mange chez vous? Je vous aurais bien ramené du vin, mais comme vous avez pu le constater...

Eliath fut soulagé de la réaction de Théocrite et il ne put s'empêcher de sourire à chacunes de ses piques ironiques.

- Oh bein chez moi vous savez, c'est comme chez tout le monde, de la volaille fumée aux herbes épicées, du vin avec du miel et une salade aux fruits de mon verger! Si vous aimez pas ce n'est pas un problème, j'ai un tas d'autres choses à vous proposez!

Il regarda alors le marchand de vin sur sa droite, un homme d'apparence sérieuse.

- Vous croyez qu'on peut lui faire confiance à celui-là ? , dit-il en souriant.

- Quel beau menu, vraiment.

Il regarda le marchand.

- C'est un nouveau, il faudrait gouter.

Il s'en approcha.

- Bonjour, cher marchand, je vois que tu es nouveau, d'où viens-tu? Je me présente, Théocrite, philosophe de notre Athènes.

Je vais faire simple, laisse moi gouter à ton vin.